Francis L Sullivan et Googie Withers...deux personnalités marquantes
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DVD CLASSIK Analyse et critique
Le Générique se déroule avec en arrière fond des images nocturnes de Londres. La voix d’un narrateur anonyme s’élève :“The Night in the City..The Night is Tonight…The City is London "Londres ! Toile de fond mais aussi personnage à part entière comme le fait pressentir le titre original.Jules Dassin s’était déjà fait la main en tournant The Naked City et Thieve’s Highway presque entièrement en décors naturels, utilisant avec une grande maestria ce que pouvaient lui apporter les ‘personnalités’ typiques des villes de New York et de San Francisco qui étaient déjà des entités à part entière dans ces deux oeuvres.Par sa description minutieuse des lieux réels dans lesquels se déroulaient ses péripéties, Dassin apportait une touche de réalisme jusqu’alors à peu près absente du film noir si l’on excepte les films de Henry Hatthaway).
Avec Night and the City, Jules Dassin ne fait que poursuivre l’expérimentation entamée aux USA (déjà sous l’égide de la Fox) et la capitale britannique se dévoile pour la première fois sous un jour totalement différent de celui cossu et anachronique souvent montré par le cinéma américain et anglais de l’époque.Une Londres labyrinthique, véritable toile d’araignée d’allées sombres, d’escaliers, d’appartements minuscules et poussiéreux, d’arrières cours inquiétantes, etc., dans laquelle évolue toute une faune bigarrée et menaçante de musiciens des rues, faux mendiants, vendeurs à la criée, petits malfrats, trafiquants et voleurs, entremetteurs, rabatteurs et consorts.
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Plutôt que les maisons bourgeoises londoniennes et le quartier des affaires, Dassin situe son intrigue au bord des quais respectivement, de la Tamise, dans les quartiers populaires du West End .Un protagoniste principal qui court dans ces rues nocturnes et désertes, dévale les escaliers, se retourne... Il fuit. Gros plan sur son visage qui reflète l’inquiétude. Il a l’air d’être poursuivi et pourtant, il prend le temps d’interrompre sa course pour ramasser une fleur tombée sur l’asphalte et la fixer à sa boutonnière.Il pénètre enfin dans un immeuble. Cet homme, il s’agit de Harry Fabian. Dès le premier plan, sa trajectoire est descendante (les escaliers) et sa chute paraît inexorable : son destin semble déjà tout tracé et l’on sent l’homme en sursis, "The Dead Man".
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Cet anti-héros, loser invétéré, n’est pas un criminel, pas même un gangster d’occasion ; les vrais truands se cachent toujours sous un masque de respectabilité. Harry est plutôt un escroc assez minable, roublard en diable, rusé, menteur et voleur mais éminemment sympathique car dénué de méchanceté.Poursuivant uniquement comme but la reconnaissance, (son plus grand moment de bonheur est celui où on lui amène une plaque sur laquelle sont inscrits son nom et son titre de directeur) : “I Just Wanna Be Somebody”.Il ne supporte plus les ordres et souhaite qu’on le respecte un peu. Il pense toujours avoir trouvé un plan de génie mais ne les mène jamais à bout (“You Could Have Been Anything. You Had Brains, Ambition. You Worked Harder than any Ten Men. But at the Wrong Things, always the Wrong Things”).
Ceci ne le démoralise pas pour autant ; au contraire, monté sur piles et ressorts, imaginatif et quelque peu mythomane, il ne se laisse jamais abattre et trouve toujours de nouvelles ressources. Doté d’un aplomb extraordinaire tête en avant, il fonce, il court… Mais son irresponsabilité et sa malchance le mènent droit au mur, loin de son rêve, « A Life of Ease and Plenty ». Comme un aimant, il entraîne dans sa chute amis et ennemis dans une spirale infernale. Même la tentative de réhabilitation du final n’est qu’un sacrifice dérisoire seule sa dignité est sauvegardée car les risques qu’il a pris auront été vraiment disproportionnés par rapport au but qu’il avait souhaité atteindre.
Grâce à l’interprétation prodigieuse de Richard Widmark, ce personnage pathétique acquiert une véritable dimension shakespearienne, grandeur et folie incluses. La fébrilité, la frénésie et l’énergie surpuissante de son jeu (une vraie boule de nerfs) emportent tout sur leur passage.Il faut le voir, persuadé d’avoir trouvé un filon, arriver chez son ex-patron et se lancer dans un solo de batterie improvisé tout en riant de ce rire si particulier, à la fois enfantin, désespéré et diabolique, qui le caractérise tant.Un enfant turbulent dans un monde d’adultes, un homme qui refuse de grandir, un mythomane obsédé par le désir de se faire un nom, un impénitent bonimenteur hanté par la peur d’être trahi, tel est le Harry Fabian de Richard Widmark.