Ces corps artificiels et authentiques sont filmés, comme par mimétisme, avec une lumière toc, quelques effets dont on pourrait se passer mais une sincérité payante. Tourné en super 16mm, le film passe des soirées délirantes, des visages surmaquillés aux rues granuleuses et dépouillées.Difficile même d’opposer Athènes au village de Yiorgos, le paysage ne fait pas l’homme, c’est lui qui le transforme. Si beaucoup sont paumés, chacun sait ce qu’il veut, et tente de l’obtenir à sa manière, loin des cadres. La famille bien sûr est épinglée en tant que poids terrible, les reports à travers les générations sont une malédiction.
Mais puisque personne n’y échappe autant bâtir sur d’autres bases. Et si l’inceste ici est un étonnant vol, une vengeance, il est aussi plus que ça, et certains seront choqués de voir que Koutras le met sur le chemin de la quiétude.Plusieurs façons de le voir,comme une réparation ou une étape supplémentaire vers la libération Strella ne se veut pas immoral mais place le personnage de Yiorgos dans une instabilité à rendre fou – l’amant et le père – avant de le rendre sage.La vengeance comme thérapie ? Tentative avortée de rejet total du sang familial ? Koutras n’oriente finalement pas son film sur une thèse psychologisante mais il semble rester indécis sur une position difficile à refuser.
Peut-être le poids même des générations, des modes de vie qui perturbe le conteur autant que ses héros. Il reste un grand respect pour ce qu’il aimerait certainement n’être plus « un milieu », et qui dans le film montre sa plus grande victoire par la recréation d’une famille.Pas de véritable happy end, il demeure une sensation de temporaire : même la stabilité à un arrière-goût d’eau qui dort. Chacun y lira son oracle, sans échapper à son propre reflet.
Camille Pollas (que je remercie)