Avec Strella, Panos H. Koutras renvoie directement à Almodóvar. À Athènes, il filme avec amour un groupe de transsexuels traversant tous les âges et les genres, autour de Strella, chanteuse de cabaret et prostituée, occupations entre mille autres que Koutras accompagne d’autant de miroitements colorés, d’une agilité de captation qui évacue toute caricature.Sans trop dévoiler l’histoire il sera beaucoup question de famille, d’inceste, et indirectement – mais par ce biais-là quand même – de ce que peut être la famille quand l’identité sexuelle n’est pas celle de la société grecque traditionnelle (ça marcherait aussi ailleurs). Koutras y calque des bouts de mythologie, Œdipe en premier lieu mais en piochant également dans le vivier antique sans enfermer aucun personnage.
L’important, c‘est de voir la famille de Yiorgos, ontologiquement déchirée entre ses racines traditionnelles dans le décor archaïque d’un petit village, et un présent éclaté, morcelé, qui se reconstruit non pas dans les liens du sang mais à travers des communautés.Si la filiation avec Almodóvar est certaine, Koutras n’est pas un clone. Plus faible dans la puissance des sentiments et surtout dans les scènes de violence, le Grec s’épanouit dans des passages plus oniriques, donnant au kitsch de ses décors et de ses personnages un ton plus proche du pastel que de l’éclat.
Son film est fragile, la fin densifierait l’action si elle intervenait avant quelques scènes de conclusion non indispensables,et les rêves numériques que fait Yiorgos sont avant tout prétexte au kitsch et à une psychologie un peu tiède.Strella est en revanche un succès lorsqu’il montre les errances douces, joyeuses ou amères, les gueules (celle de Yiannis Kokiasmenos (Yiorgos), patinée mais aux yeux pétillants) ou les corps loin de toute monstruosité.
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Strella nue, jouée par une non professionnelle, c’est des seins et un sexe masculin qui s’affirment ensemble.Rien de plus doux que ce beau corps, sinon le réalisateur lui-même, plus provocant à filmer cette tendresse que les excès d’une communauté rarement mise en avant à d’autres titres.