Commentaire par Olivier Bitoun (suite 16)
L’actrice se condamne au silence, se met à l’écart du monde. Souvent les personnages de Bergman s’imposent le mutisme (La Honte, Le Visage, Le Silence). Face à cette figure silencieuse, on ne peut plus que regarder pour essayer de comprendre.C’est le sens de la scène originelle, où devant l’écran de cinéma l’enfant contemple le visage de sa mère, tentant d’en percer le secret. Il caresse ce visage, mais celui-ci n’est qu’une surface plane, sans relief.Tous les autres sens ayant disparu, il ne reste plus que le regard. Comme on l’a vu, Bergman joue sur la place du spectateur, son investissement par rapport au film, soulignés par les nombreux regards qui parsèment l’œuvre(et que l’on retrouve dans L’Heure du loup, Monika, L’Oeil du diable).
Mais Bergman nous montre surtout les artifices qui sont en jeu dans notre quotidien, tout ce que l’on voit et que l’on pense comprendre alors qu’il n’en est rien. Notre rapport au monde, encore et toujours, thème primordial de l’œuvre de Bergman, celui des Communiants, cœur palpitant de Persona.Bergman nous parle ici de ce rapport à travers les tourments de l’artiste, de l’acteur auquel le cinéaste a toujours prêté toute son attention et son empathie et qui lui permet d’évoquer au plus profond la frontière entre création artistique et réalité.Vogler, le magnétiseur du Visage, exprimait la douleur des acteurs, des artistes, la douleur de voir le monde réel glisser sous leurs pieds, la douleur de se mouvoir sur les terres instables de la recréation du monde par l’art. Elisabet souffre des mêmes affects. A force de porter un masque, une persona, elle ressent le besoin de se raccrocher au réel.