Épilogue : la lignée d’Eve
Mankiewicz, un observateur méticuleux dans les coulisses
« [Il] t’étudie comme si tu étais un livre, ou une pièce, ou un plan »
Mankiewicz joue ici avec les apparences : il y a ce que les premières scènes semblent nous indiquer sur ces personnages,et ce que nous apprend le flash-back, et les voix des différents narrateurs (Karen, Addison, Margo) qui le ponctuent. Nous avons tôt fait de comprendre que les artifices ne seront pas partie prenante de la mise en scène (Mankiewicz est hostile à tout mouvement d’appareil intempestif), mais qu’ils seront au contraire des ingrédients primordiaux de la construction des personnages.
Comme il le déclarera plus tard : "Je ne crois pas que la composition soit le mot magique et le point culminant de ce que le cinéma peut accomplir. À mon avis, c’est davantage la profondeur intellectuelle, la vérité profonde de la description intellectuelle, le contenu, qui importent. (…) J’essaie de ne pas déformer la vie ou le comportement des êtres humains en leur imposant, par des moyens techniques, une forme préconçue."
Pour autant, on ne s’aventurerait pas à qualifier Mankiewicz de cinéaste naturaliste : ses films sont trop « écrits », trop empreints de sophistication verbale (et d’élitisme culturel), pour cela. Il serait plus pertinent sans doute de voir en lui un anthropologue de la psyché, curieux de décortiquer les réactions des protagonistes lors de mises en situation complexes, génératrices de choix déterminants. À l’appui de cette hypothèse, la véritable passion de Mankiewicz pour la psychanalyse, qui le poussait à faire lire ses scénarios par un professionnel afin de tester le degré de crédibilité de ses personnages.