Analyse du film (suite 6)
De même que chaque point de vue provoque un effet différent, de même chaque point temporel sur lequel on se positionne entraîne la constitution d’un autre univers. La mise en scène de Resnais consiste à explorer ces différents univers, qui sont autant de possibilités de déroulement des événements, et des places des personnages.
Cet homme qui la regarde, la surveille, avec l’homme qui tente de l’emmener, est-il son mari, son amant, un ami ? Le problème apparent de la chronologie des événements et de l’apparent statut des personnages, disparaît donc si l’on considère qu’il ne s’agit pas de faits qui sont à leur mauvaise place temporelle, mais des faits parallèles, des hypothèses, des possibilités.
La narration et la compréhension temporelle du film sont totalement bouleversées. Resnais nous contraint donc à laisser de côté tous nos repères temporels pour pouvoir entrer dans le film, et avoir une chance de l’apprécier.Pourtant, si le temps classique n’est pas la trame du film, celui-ci n’a qu’un seul temps : celui de la pensée, qui dérive entre passé et présent.
Certes, le montage, basculant sans ménage entre rapidité des mouvements et lenteur de l’immobilisme, ne semble pas créer de réelle logique. On verra beaucoup de personnages, coupés dans leurs discussions sans début et sans fin, coupés dans leurs mouvements, ni reconnaissables, ni vraiment visibles, simplement oubliables, tout comme l’esprit humain oublie.