Analyse du film
La société américaine à la fin des années 60
Les thèmes du film rejoignent en grande partie ceux du mouvement hippieLa première scène montre une assemblée générale étudiante, largement à tendance révolutionnaire. Nous entrons dès lors dans l'univers d'une jeunesse en colère."La société génère des luttes et des conflits, et celui qui ne la combat s'aliène". Lénine, Fidel Castro et le petit livre rouge sont cités. Les étudiants engagent la grève et se préparent à la lutte armée. Le montage est sec et rapide, comme si Antonioni tournait un reportage sur la société américaine.
Antonioni cherche à montrer que les États-Unis sont "l’endroit où l’on peut isoler à l’état pur certaines vérités essentielles sur les contradictions de notre temps". Pour symboliser ces contradictions, il joue sur les oppositions, visuelles et sonores.Dans toute la première partie, des scènes très rapides sont suivies de plans longs et fixes, des moments de cris et de bruits sont suivis de longs silences, ce qui donne un sentiment d'irréalité, comme si toutes ces luttes et ces répressions étaient absurdes.
Ainsi, la scène où le policier tue gratuitement un étudiant noir se passe de manière irréelle, dans un grand silence.Deux séquences du film sont particulièrement mémorables : la scène de l"amour en groupe" dans la Vallée de la mort, quand les deux étudiants se retrouvent au Point Zabriskie, et la scène où Daria imagine l'explosion de la villa.Ces deux scènes sont tournées au ralenti pour leur donner plus de puissance. Ces deux scènes ont pour sujet la révolte : révolte sexuelle et révolte politique.
Le film montre les blessures,les tiraillements et les frustrations de la contre-culture américaine. Si la scène de l'explosion met en scène la fin du capitalisme, dans un déluge de lumière et de beauté, il nous est rappelé que cette explosion n'est qu'un rêve.La liberté et la beauté n'existent que dans ce rêve de Daria, mais pas dans la réalité concrète, peuplée de panneaux publicitaires et de millionnaires nantis sourds aux douleurs du monde.
Tous les éléments de la révolte paraissent bien pathétiques : la pile de chaises maladroitement arrangée en barricades pour empêcher les forces de l'ordre de pénétrer dans l'université, l'envol d'un être dans le ciel, la violence d'une explosion rêvée.Au final, face à la répression de la société, aux inégalités et à la laideur, ne restent que deux échappatoires : l'amour et le rêve.En effet, Mark et Daria ne trouveront leur liberté et leur bonheur que loin de la ville, au milieu du désert, à Zabriskie Point, dans la Vallée de la Mort. Le lieu vierge devient le lieu de la paix, de l'amour et de l'insouciance.
Les deux étudiants oublient leur combat politique pour se plonger dans le plaisir. Cela illustre le slogan hippie « Make love, not war ». Mais Antonioni montre bien la vanité de ce plaisir : Mark et Daria seront heureux un court instant, et s'épanouiront dans l'amour, mais leurs combats resteront voués à l'échec, et leur retour au monde des Hommes sera cuisant : mort pour l'un, désespoir pour l'autre.Toute les résistances face aux figures du pouvoir, économique et politique, se trouvent vouées à l'échec. Daria et Mark trouvent une échappatoire dans l'amour puis dans le rêve, mais ils n'arriveront jamais à changer la société.
Dès la scène d'entrée, ce sentiment d'échec est palpable dans le montage : la rapidité des passages d'un visage à l'autre suggèrent une résistance éclatée, divisée, d'emblée vouée à l'échec. Le montage montre la perte de repères en déconstruisant l'image et le plan.