Commentaire/Analyse/Critique
par Ludovic Sanches
(fin)
FUCK YOU AMERICA
Avec le recul, l’évocation d’une société vouée à un consumérisme déshumanisé (incarné par le personnage du promoteur interprété par Rod Taylor, l’acteur des Oiseaux d’Hitchcock) s’opposant à une jeunesse déboussolée et révoltée n’est pas dénuée d’un certain schématisme, même si la virulence du discours fut atténuée, un plan montrant une banderole "Fuck You America" disparaissant du montage final. Zabriskie Point est principalement célèbre pour deux grands moments paroxystiques: la scène de l’orgie dans le désert et la séquence finale des explosions.
Il est d’ailleurs intéressant de voir que la révolte (qu’elle prenne la forme d’une extase sexuelle ou d’un climax destructeur) n’est exprimée que sous la forme du fantasme et donc sur le mode de l’utopie. Les deux fameuses scènes, où le couple de héros devient les Adam et Ève de l’Amérique moderne, puis celle où la jeune fille imagine une révolution terroriste en une interminable succession de destructions de bâtiments et d’objets du quotidien, filmées au ralenti, sur la musique hallucinée des Pink Floyd (période Syd Barrett, aussi à l’origine d’une autre BO culte, celle du More de Barbet Schroeder) ne constituent pas moins de sidérants moments de pure poésie visuelle, dont la puissance d’évocation laisse pantois.
La scène finale de Fight Club, à laquelle on pense a posteriori, paraît d’ailleurs bien pâle en comparaison. Si Bruno Dumont a pillé ce film avec son contestable Twentynine Palms, les dernières œuvres de Gus Van Sant (plus particulièrement Gerry et Elephant), tant par leurs parti-pris formels radicaux que par leur recours à des interprètes non-professionnels, apparaissent comme les dignes descendants de Zabriskie Point.