Commentaire/Analyse/Critique
par Ludovic Sanches
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REVOLUTION ESTHETIQUE
En ce sens, Antonioni poursuit son "esthétique de la disparition", fondamentale dans le cinéma moderne bien qu’incomprise à l’époque, si on se souvient de l’accueil perplexe réservé à L’Avventura en 1960. Cette volonté d’épure dramatique grâce à laquelle Antonioni expérimente une sorte de mise à nu des procédés de la fiction (voir les vingt dernières minutes de L’Eclipse, où il fait disparaître tous ses personnages, ainsi que la scène de mimétisme qui clôt Blow Up) et va à l’encontre des règles esthétiques d’alors.
Il refuse les codes du cinéma hollywoodien classique tout en les ayant parfaitement assimilés (car paradoxalement le fantôme d’Hitchcock et de La Mort aux trousses semble hanter de nombreuses scènes du film), ce qui permet ici de les enrichir d’une dimension théorique et politique. La profonde modernité d’Antonioni, c’est cette totale liberté formelle, ce basculement du collectif et du concret (la dimension "cinéma-vérité") vers l’intime et l’abstrait, proposant au spectateur une véritable expérience de cinéma.