Analyse plastique du film (suite&fin)
L 'aspect pictural du film est renforcé par le manque de perspective des images. Cet effet est rendu grâce à une utilisation particulière du zoom et du téléobjectif qui écrasent la perspective et mettent tous les plans au même niveau. Antonioni explique:
"Dans le Désert rouge j'ai beaucoup travaillé au zoom pour tenter d'obtenir un effet bidimentionnel et diminuer les distances entre les gens et les objets afin qu'ils aient l'air écrasés les uns sur les autres". À tel point qu'on se demande qui sont les véritables protagonistes du film:les personnages ou les paysages?
Le paysage industriel portuaire est en effet omniprésent dans Désert rouge, cependant celui-ci n'est pas dénoncé ni critiqué par le réalisateur qui explique à ce sujet:
[« Il est trop simpliste, comme beaucoup l'ont fait, de dire que j'accuse ce monde industrialisé, inhumain où l'individu est écrasé et conduit à la névrose.]......["Mon intention au contraire-encore que l'on sache souvent très bien d'où l'on part mais nullement où l'on aboutira-était de traduire la beauté de ce monde où même les usines peuvent être très belles. La ligne, les courbes des usines et de leurs cheminées sont peut-être plus belles qu'une ligne d'arbres que l'œil a déjà trop vus. C'est un monde riche, vivant, utile."]
Ce qui intéresse donc Antonioni c'est l'esthétique qui se dégage de ces structures tubulaires, géométriques et colorées. Antonioni est un réalisateur novateur qui s'amuse avec les codes cinématographiques traditionnels.Il ne respecte pas les codes du montage hollywoodien dans lequel le montage est le plus possible effacé. Ici, le montage est visible, fragmenté et ne sert pas forcément l'intrigue. C'est l'effet esthétique qui est désiré.
Mais, plus qu'un effet stylistique, la peinture est un véritable thème du film. D'ailleurs le premier titre qu'Antonioni donne à son film est Bleu, vert. La peinture comme sujet est traité grâce à des références à l'histoire de la peinture mais aussi grâce à des références à la matière même de la peinture.La picturalité du Désert rouge se traduit également par la récurrence de motifs colorés et géométriques. À la picturalité du cinéma du réalisateur italien s'ajoute un travail de composition de l'image proche de celle du peintre ou du photographe.
En effet, Antonioni se sert de la fenêtre, du cadre de la fenêtre comme d'un châssis de toile à l'intérieur duquel viennent s'inscrire les paysages et les portraits. Grâce à ce système de cadre, Antonioni multiplie le nombre de scènes au sein du même plan et les mises en abîme.