Antonioni ne traite donc que de petits sujets (les rapports entre les gens) et jamais de grands problèmes (la bombe atomique ou la démocratie), mais il les aborde de manière à montrer qu’ils constituent finalement la seule question : celle du bonheur des hommes et des femmes d’aujourd’hui. Il cherche à sonder la banalité du quotidien. La vision du monde de l’auteur est désespérée puisque tout est noir pour ses personnages.
Mais ce désespoir est circonscrit à des protagonistes qui ne représentent qu’eux-mêmes. Antonioni n’est pas de ceux qui proposent des modèles ou qui sculptent des archétypes. Car les protagonistes d’Antonioni ne sont pas fous ou déréglés car ils ne se définissent pas par rapport aux règles généralement retenues dans les œuvres d’art.
Leur complexité est préservée au lieu de la simplification inhérente à la notion de « personnage ». Leur vérité, c’est leur richesse et ce qui pourrait être pris pour du flou, du vague, de l’imprécis constitue au contraire l’aura de personnalités non réductibles aux schémas de la représentation.
Antonioni ne donne pas de mode d’emploi de l’existence et ne nous aide pas à résoudre les problèmes de communication et de rapports humains. Il souhaite au contraire que le spectateur se pose des questions : il le pousse à devenir adulte, à regarder en face les incertitudes de la vie.