C’est aussi une femme calme et douce, notamment avec son fils. Cela se produit lors d’un épisode étonnant au bord de l’eau. Partant de la chambre du fils, où Giuliana raconte une histoire, Antonioni nous plonge dans un univers totalement différent du reste du film. Il n’y a aucun bruit assourdissant, seul la voix de Giuliana.
L’onirisme de cette séquence semble représenter le seul refuge de Giuliana : l’imaginaire. Et, lorsque la jeune fille de l’histoire nage, elle entend une voix de femme comme venue de la mer (qu’on a aussi entendue au début parmi les bruits industriels sans comprendre ce qu’elle signifie).
Ce serait l’expression du désir de fuite en elle-même de Giuliana face à la stabilité évidente de Valerio et d’Ugo. En cela elle rejoint Corrado, qui lui aussi cherche à fuir par ses rêves de voyage en Patagonie. Cependant personne n’arrivera à sortir Giuliana de son état de dépression. Elle a perdu le contact avec la vie et toute confiance en elle- même ; elle s’isole, même de ceux qui lui sont proches.
Ajoutons qu’Antonioni utilise des techniques particulières pour transmettre les ressentis de Giuliana. Citons l’exemple du flou : il signifie qu’elle ne sait plus accommoder sur le réel. De plus, le réalisateur parle d’un "rendu en couleurs des émotions, une mise en couleurs qui d’une façon dynamique ou inconsciente veut illustrer et suggérer l’état émotionnel". Il s’agit de la visualisation plastique des angoisses de la jeune femme. Le monde dont Giuliana a peur, Antonioni l’exprime ainsi de manière formelle.