Photo du haut: Richard Harris
Quand Corrado rend visite à Giuliana dans cette boutique, elle se montre particulièrement désorientée : elle est incapable de dire ce qu’elle a l’intention de vendre ni de quelle couleur décorer les murs. Ils se rencontreront ensuite plusieurs fois, en présence d’Ugo ou lors d’une réunion d’amis dans une cabane. Leur dernière rencontre se passe dans la chambre d’hôtel de Corrado, où Giuliana est venue se réfugier après avoir découvert le simulacre de son fils.
Le désir sexuel semble être la seule solution pour Giuliana de compenser sa solitude (puisque son mari la délaisse). Il n’existe pas de rencontre entre hommes et femmes qui ne soient pas d’essence sexuelle, la dimension érotique étant inhérente aux rapports humains pour Antonioni : citons en exemple la scène dans la cabane où l’érotisme très présent (œufs de caille aphrodisiaques, personnages se caressant).
Mais cette liaison passagère avec Corrado ne procure pourtant pas à Giuliana la stabilité recherchée et son attitude rappelle plutôt sa crispation physique au début du film. De plus, dans la dernière scène du film, elle continue à errer dans le paysage industriel : l’image de la fin du film est la même qu’au début : Giuliana marchant avec son fils dans les alentours des usines : elle ne semble pas plus tranquille, pas plus équilibrée, et le son électronique du début reprend, comme pour nous montrer que le changement total n’existe pas.
Sa relation avec Corrado a été vaine. Il n’a pas été capable d’assumer ses sentiments, car il est déconcerté par l’attitude des femmes en général. Une fois Corrado parti, elle tentera même une conversation avec un marin qui ne parle pas italien. Tous deux illustrent le personnage antonionien, qui attend beaucoup de la vie, sa déception étant à la mesure de ces espérances.
De plus il maîtrise généralement peu ses sentiments. Ils les ressentent, en souffrent, mais en dissertent mal puisque leurs raisonnements ne les sortent pas des impasses dans lesquelles ils se fourvoient. Ils ne peuvent qu’accepter leur situation. Il n’y a donc pas de héros positif.Antonioni exprime ainsi l’incommunicabilité, la difficulté d’avoir des rapports humains satisfaisants.
Pour le réalisateur, les états d’âme de ses personnages s’expriment essentiellement par le regard. C’est la seule preuve que les êtres puissent avoir pour savoir s’ils se comprennent ou pas. Voir c’est aussi regarder, et donc, de ce fait, savoir quoi regarder. C’est bien là le problème de Giuliana, qui ne sait « pas quoi voir », et ne trouve donc pas de raison de vivre. Mais voir c’est aussi imaginer et fantasmer : cela reflète une autre facette de la personnalité de Giuliana.