Les personnages
Entre son mari, son amant et son fils, Giuliana est malgré tout névrosée et suicidaire : dans le brouillard, au port, elle fonce en voiture et ne s’arrête qu’à quelques centimètres de l’eau. Auparavant, elle avait déjà attenté à ses jours à la clinique, après son accident d’automobile à l’occasion duquel son mari n’était même pas revenu de Londres pour la voir.
De plus, Giuliana a toujours froid, frissonnant dans cet hiver perpétuel sans rêve ni soleil mais avec du brouillard, du gris et la maladie qui rôde. Cachée (dans le bateau), simulée (par le fils singeant la polyo), cancer de l’âme (la névrose) favorisé par le silence de la parole humaine.
Contrairement à Giuliana,Ugo est un homme tranquille et leur jeune fils Valerio est passionné de jouets mécaniques tels que robots, gyroscopes et est ouvert à toutes les nouveautés qui l’entourent. C’est tout le portrait de son père : ils sont tous deux adaptés à ce monde des machines et des usines.
À ce sujet, le gyroscope est un symbole parlant, car au-delà de son intérêt scientifique, il illustre la stabilité dont jouissent Ugo et son fils et qui fait si désespérément défaut à Giuliana. Elle se remarque alors par son inadaptabilité au monde : elle est en total décalage avec les autres personnages comme elle est décalée face à l’univers métallique des usines.
Elle est incapable de créer un lien avec son entourage. D’autre part, c’est à travers les yeux de Giuliana que nous voyons le monde, puisque Antonioni est intéressé par :"les faits et les sentiments humains passés au filtre de la psychologie féminine ". C’est pour ça qu’on perçoit une certaine inquiétude : Giuliana est sans cesse angoissée, elle a peur de tout : du bruit assourdissant des machines de l’usine, de la maladie de son fils et plus tard, du départ de Corrado.
L’arrivée de ce nouveau collègue d’Ugo justement, arrivé afin d’embaucher des ouvriers pour l’étranger, va changer le regard qu’elle pose sur elle-même et elle va moins se sentir hors du monde. Cet homme, au départ inquiet par l’attitude de Giuliana, finira par être attendri et il se rapprochera d’elle, car finalement tous les deux se ressemblent : Corrado est "un autre inadapté ", fragile, aussi mal dans sa peau.
Ils vont se rencontrer pour la première fois dans un magasin que tente d’aménager Giuliana, censé lui donner une occupation stabilisante. Mais, située dans une rue solitaire et incurvée, la boutique est de toute manière impropre au commerce.