La nuit (La Notte) sur ARTE par Delphine Valloire(fin)
Ingmar Bergman, mort le même jour qu’Antonioni , considérait lui aussi ce film comme le meilleur du réalisateur. Sans doute à cause du portrait sans concession de la figure de l’intellectuel : ici un écrivain qui s’oppose presque à tous ceux qui l’entourent (l’épouse, l’ami ou l’homme d’affaires) pour se retrouver dans une isolation peu propice à la création.La fête pour le lancement du livre de Giovanni, parfaitement déprimante, est, par exemple, qualifiée d’« anti-chambre de la célébrité », sorte de purgatoire officiel de l’artiste. Giovanni, comme le révèle la lecture finale de Lidia, n’est sans doute pas très doué, son talent est vraiment inférieur à celui, caché, de Valentina. Il ne semble plus connecté avec lui-même : peut-être s’est-il vidé dans son œuvre ? Il le dit lui-même: "Je n’ai plus d’inspiration ; que des souvenirs ».
Cette froideur et ce nihilisme font de"La Notte"l’antithèse parfaite de "Cléo de 5 à 7"*, film d’Agnès Varda tourné exactement la même année. Les deux films dans une même unité de temps (quelques heures décisives) suivent le chemin d’êtres désespérés. Les signes funestes sont égrenés les uns après les autres, dans une sorte d’initiation mystique. Mais là où Antonioni mène ses héros au plus profond de leur propre disparition jusqu’au sexe (Eros et Thanatos), Varda les emmène de la mort à la vie, des ténèbres à la lumière et à l’espoir. Le jour et la nuit. Deuxième opus d’une trilogie après « L'Avventura » (1960) et avant « L'Eclisse » (1962), « La Notte » a été récompensé par un Ours d’or à Berlin. Même si elle intègre les mêmes thèmes, l’intrigue est néanmoins un peu plus lisible que celle des deux autres films.
Delphine Valloire - © DR
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* Très bon film ! que j'ai prévu de mentionner d'ici qq temps