Analyse du film par Olivier Bitoune /DVDClassik © DR
C'est à partir d'une simple idée exprimée en 1979 par Tonino Guerra sur les cendres de Maria Callas dispersées en mer, que Federico Fellini met en chantier E la nave va, un film au rythme nonchalant et funèbre qui met en scène une expédition bizarre qui se veut donc une cérémonied'hommage à une grande cantatrice disparue.
Les années 80 marquent une sorte de fracture pour Fellini, qui s'inquiète profondément pour son art alors que les spectateurs italiens commencent à déserter les salles pour la télévision, et à mesure que ses proches disparaissent (à l'exemple de Nino Rota en 1979). Ses dernières œuvres sont marquées par une tonalité beaucoup plus sombre (Casanova, qui représentait de plus une expérience douloureuse sur le plan de la production, Répétition d'orchestre) et son dernier film, La Cité des femmes (1980), a été fraîchement accueilli par le public et la critique dont une partie a même vomi ses extravagances et l'a taxé abusivement de misogynie.
Le film débute par un prologue mettant en scène l'embarquement des passagers ; avec comme seul son le bruit d'une pellicule tournant dans un projecteur, il est filmé en noir et blanc et sépia ainsi que sur une cadence d'images accélérée comme pour rappeler le cinéma des origines, en particulier le burlesque et son pantomime. C'est progressivement, alors que la caméra s'élève sur un immense escalier, que la couleur fait son apparition.
L'une des dernières séquences du film montrera un jeune passager éploré se projetant une bobine mettant en scène la diva disparue, alors qu'il a les pieds dans l'eau pendant que le paquebot coule. Entre ces deux séquences, se déroule donc le film, un voyage étrange racontant la fin d'un monde avec ses personnages grotesques approchant le ridicule et enfermés dans leur art vieillissant et leurs coutumes surannées - les longues séquences, parfois artificiellement étirées, dans le restaurant sont l'occasion pour le réalisateur de nos offrir une galerie de portraits particulièrement savoureux.