Autour du film
Federico Fellini a prétendu avoir pris du LSD pour préparer son film.« Le réalisme est un mauvais mot. Dans un sens, tout est réaliste. Je vois mal la frontière de l'imaginaire et du réel. Je vois beaucoup de réalité dans l'imaginaire. Je ne me sens pas chargé de mettre de l'ordre dans tout ça, sur un plan rationnel. Je suis capable d'émerveillement,indéfiniment et je ne vois pas pourquoi je devrais placer une grille pseudo-rationnelle devant cet émerveillement. »
Federico Fellini, interview donnée aux Cahiers du Cinéma, n°164, mars 1965
Critique de presse frenchy(suite)
Arts
« Huit et demi était un autoportrait intime et un message de créateur. Le film fit couler beaucoup d’encre. Giulietta degli spiriti en fera verser encore plus, car Fellini a été encore plus loin dans ses recherches formelles. C’et un portrait, très libre sans doute, mais peut-être d’autant plus vrai, de sa femme, la Masina (…). Un film de femme, œuvre de mystère et de rêves, œuvre de poète ».
Paul Gilles, 23/12/1964
L’Aurore
« Quand un artiste se sert de la couleur au cinéma, quelle réussite ! Bravo ! Juliette des esprits est l’œuvre d’un peintre surréaliste (..)C’est une mosaïque où l’auteur livre son âme par le truchement de personnages artificiels évoluant dans des décors irréels ».
Claude Garson, 22/10/1965
Le Canard Enchaîné
« Fellini se déchaîne, son délire fastueux, baroque, multicolore, monstrueux, quelque fois délicat et savoureux s’étale sur l’écran. C’et un grand virtuose, un peu tzigane. D’autres que moi vous diront que c’est un grand penseur. Il a un bagout d’images absolument extraordinaire. Je l’aimais mieux au temps de La Strada et des Nuits de Cabiria. Mais, depuis, il travaille et se répète dans le génie ».
Michel Duran, 03/11/1965
La Croix
« Mais où commencent, ici, le propre et le figuré ? Tout le problème est là, je veux dire : tout le film, le film délirant, merveilleux, inquiétant, éperdument baroque de Federico Fellini (…). Ce carnaval de sensations, cette dolce vita à laquelle se livrent les couleurs du prisme est souvent déroutante, agaçante même. Mais elle et, plus souvent encore, criante de beauté. Rarement film n’aura donné à ce point l’impression physique d’avoir été écrit, je devrais dire peint, directement avec des images, sans dessin préalable, dans l’enthousiasme orgiaque d’un peintre fou ».
Henry Rabine, 30/10/1965
L’Express
« Fellini prétend que, pour tourner ce film, il s’est arraché l’œil droit, celui qui voit la réalité, et qu’il n’a travaillé qu’avec l’œil gauche, celui qui, au-delà de la réalité, voit la magie des choses. Certains penseront, en effet, que Juliette des Esprits est le film d’un infirme, et qu’en se privant d’un œil, il a singulièrement restreint le champ de sa vision. Mais l’opération a encore renforcé l’acuité du regard. Le cinéma a besoin d’être, de temps à autre, irrigué par le puissant courant de fantaisie baroque, de fantastique débridé qu’illustre Juliette. Divisés sur la portée du film et la richesse de son héroïne, les spectateurs se retrouveront unanimes pour s’extasier devant l’époustouflant kaléidoscope du spectacle ».
Pierre Billard, 18/10/1965
Le Figaro
« Naturellement, vous aurez compris que Juliette des Esprits ne constitue pas un modèle de cinéma facile. Mais des millions de kilomètres séparent ce cinéma-là du cinéma bégayeur baptisé Nouvelle Vague. On éprouve un sentiment de bonheur quand l’art expérimental se trouve entre les mains d’un homme expérimenté. Fellini, par surcroît, est un auteur de grande intelligence dont la pensée touche souvent au génie ».
Louis Chauvet, 20/10/1965
France Soir
« Fellini est un magicien qui voit et montre la vie à travers le prisme déformant d’une imagination délirante (…). Les prises de vue, les décors et les costumes souvent caricaturaux sont remarquables. La musique souligne avec élégance que le monde est un cirque où les hommes jouent les funambules. Mais tout et tous sont dominés par Fellini, auteur complet et l’un des rares cinéastes pour qui l’on puisse parler de génie sans que cela soit ridicule ».
Robert Chazal, 29/10/1966
L’Humanité
« Est-il nécessaire d’expliquer ? Faut-il vraiment comprendre ? Y a-t-il seulement un trousseau de clés qui soit capable de nous ouvrir toutes les portes mystérieuses de Juliette des Esprits ? Est-ce un film d’une absolue sincérité ou une plaisanterie bouffonne ? Il comporte certainement une part de chaque. En tous cas, c’est du cirque, et quand je dis ça, c’est parce que j’aime le cirque ! (…) Fellini ne nous demande pas de comprendre immédiatement. Il se contente de nous fasciner, nous subjuguer, nous bercer d’illusion. En magicien merveilleux, il y parvient et nous ne pouvons échapper à son charme ».
Samuel Lachize, 23/10/1965
Télérama
« Etonnant Fellini ! Vrai continuateur du théâtre et des peintres baroques aux créations tumultueuses, il reprend les thèmes de La Dolce vita, mariés au délire savamment organisé de Huit et demi. Toutefois, il tient à nous les présenter ici à travers les yeux non plus d’un homme, son porte-parole, mais de sa propre femme, Giulietta Masina (…). Ici, le surréalisme est à l’état pur, mais il n’en inspire pas moins tout le reste ».
Jean d’Yvoire, 07/11/1965