Edra Gale et Madeleine Le beau
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Fellini, critique de son temps
Si l’univers fellinien est informé – déformé, reformé – à travers le prisme kaléidoscopique de la subjectivité de son auteur, il n’en est pas moins bel et bien un « miroir » de l’Italie, du fascisme des années 1930 aux années Berlusconi, en passant par la crise de la fin des années 1960. Un « miroir », et une analyse. Le scandale soulevé en 1960 par La Dolce Vita en est la preuve : décrit à sa sortie (avant le Fellini-Satyricon, donc...) comme un « Satyricon moderne », il est la peinture d’une société dont les bases (certaines valeurs...) s’effritent, et qui menace de s’effondrer.
La peinture d’une bourgeoisie et d’une aristocratie "décadentes", de la quête effrénée des plaisirs, de la naissance de nouveaux dieux (les stars...) livrait aux spectateurs un miroir social qui fut un véritable cas national. Fellini ne sortit plus qu’avec des gardes du corps, et les "pour" et les "contre" en venaient aux mains dans la rue, dit-on. L’Église s’indigna contre cette porcherie. Cesare Zavattini, tête de file de la critique contre La Strada, y vit, lui, un retour du cinéaste au néoréalisme, tant les implications socio-politiques du film lui semblaient prédominantes : un néoréalisme qui serait passé de la peinture des oubliés et des marginaux à celle des classes dirigeantes...
Fellini, ostracisé d’un côté, porté aux nues de l’autre, donnait encore une fois la preuve de ses intuitions visionnaires : il venait de mettre en scène, sept avant que Guy Debord n’écrive sur le sujet, la « société du spectacle ».