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Family Dog © Chet Helms © Classic Posters © Bill Graham
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Les reptiles, le lac primordial, le cerveau reptilien
Morrison peuple son univers poétique de reptiles. Dans une interview, il déclare ; « Je crois que le serpent est l'image primordiale de la peur » ; mais au-delà de l'association judéo-chrétienne du serpent comme agent du mal, le symbolisme phallique amène de nombreuses cultures à associer le serpent à la fécondité, à la puissance ou à la sagesse. Morrison joue volontiers sur ce double sens. Dans The End, il recommande de « chevaucher le serpent » ; dans Celebration Of The Lizard, il se définit ; « I am the Lizard King/I can do anything » (« Je suis le Lézard-Roi/Je peux faire n'importe quoi »). À cette première ambiguïté symbolique, Morrison adjoint de nouvelles significations qui en complexifient encore le sens. Dans The End comme dans Celebration Of The Lizard, les reptiles sont en effet associés au retour vers des lieux archaïques : le lac primordial dans The End, le cerveau reptilien dans Celebration.
Dans un cas comme dans l'autre, il s'agit de retourner au moment où les reptiles quittèrent le milieu aquatique pour la terre ferme, à une époque où les couches supérieures de la conscience n'étaient pas encore développées, donc où l'individu n'était pas encore conditionné par une culture que Morrison conçoit, en lecteur attentif de Rousseau, comme pernicieuse. Un tel « voyage » mental paraît nécessaire si l'on veut pouvoir exploiter tout le potentiel de l'humain - et non seulement ce que la civilisation occidentale considère comme le potentiel de l'humain. Morrison, dans sa Self-Interview qui ouvre le recueil Wilderness, déclare: "If my poetry aims to achieve anything, it's to deliver people from the limited ways in which they see and feel" Si ma poésie se propose un seul but, c'est de libérer les gens de la manière limitée dont ils voient et sentent"
Dans une telle perspective, le bain de minuit dans l'océan (c'est-à-dire quitter la terre ferme pour le milieu aquatique) ainsi qu'il peut être exprimé dans la chanson Moonlight Drive, par exemple, constitue une complète libération de l'american way of life et de la civilisation occidentale dans son ensemble. Par ailleurs, revenir aux réflexes purs, remonter dans le cerveau reptilien, s'assimile de toute évidence à une tentative de verser dans la démence, de quitter la santé mentale. Plusieurs chansons destinées à The Doors appellent à la folie et le nom du groupe a souvent été interprété comme une invitation à dépasser les apparences banales, à « passer de l'autre côté », quitte à devenir fou (ainsi Break On Through (To The Other Side) ou A Little Game, dans Celebration Of The Lizard).