Des acteurs pas franchement connus dans notre héxagone,
mais VRAIMENT épatants...ARIEL est un grand petit film
(que j'ai en v.o sur une cassette un peu ripou)
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ARIEL et la critique
"Une petite ville minière au nord de la Finlande, froide donc. De plus, les mines vont fermer. Quelle solution pour ceux qui ont la plus grande partie de la vie derrière eux ? Le suicide. Ce que fait l'un des mineurs, qui lègue toute sa fortune, soit une belle bagnole américaine, à un garçon, sans doute son fils.
Quelle solution pour ce garçon désormais seul au monde ? Prendre ses économies, l'américaine décapotable dont la capote déglinguée ne ferme pas, s'emmitoufler et partir sur les routes verglacées vers le sud. Un sud tout relatif : Helsinki, la capitale. Là, évidemment, le garçon, plutôt du genre maladroit, se fait tout piquer. Qu'importe, il va lui même voler. Mais décidément, il n'est pas doué. Le garçon est un rêveur, un Ariel, un esprit en l'air, qui se pose sans s'arrêter bien longtemps, et le film d'Aki Kaurismaki, Ariel, possède une irrésistible grâce mélancolique, mêlée d'ironie.
Le garçon n'est pas doué pour l'arnaque, mais son charme nonchalant, sa passivité et son mutisme sont bien séduisants et d'ailleurs séduisent une jeune femme qui vit seule avec son fils. Elle est son contraire : super active, et même fébrile, débrouillarde, perpétuellement débordée par la masse des petits boulots qui lui permettent de payer ses traites et d'élever son gamin. Une femme moderne àl'occidentale, en somme.
En Finlande, dans le stress des années 1980, c'est un peu le pendant d'Antoine et d'Antoinette. Les antihéros années 50 de Jacques Becker. Ils sont tellement sympathiques tous les deux, tellement proches qu'on a envie de leur donner des conseils, un peu comme à de grands enfants. Ce qui, d'ailleurs, ne servirait à rien, ils sont complètement engagés, chacun dans son système. Ils aiment avec pudeur, sans se le dire. Ils vont se balader au bord de la rivière, et fument en silence, savourant un moment de paix comme un luxe suprême. Il l'aide. Elle l'aide. Elle va même jusqu'à le faire évader de prison.
Plus proche du réalisme poétique que du néoréalisme, Ariel emmène dans un pays très inconnu. A la rigueur, de la Finlande, on imagine de hautes forêts odorantes, avec maisons en bois, saunas, fouets de fougère dans la neige. Rien de pareil ici. Seulement Helsinki, une grande ville avec des banques, des fastfoods, des boutiques trop chères, des embouteillages dans les rues, et un grand port, fascinant comme toujours, qui semble prolonger les rêves dans le miroitement de l'eau, dans le balancement des navires qui vont vers le Sud, le vrai."
Colette Godard, Le Monde .
" Ariel (nom du bateau qui conduit, à la fin, les protagonistes vers l'Amérique du Sud) est une sorte de fable brechtienne qui conte les aventures cocasses et tragiques de Taisto Kasurinen (l'acteur Turo Pajala obtint le Prix d'interprétation masculine au festival de Moscou pour ce rôle), un ouvrier trentenaire marginalisé par le chômage (...)
Aki kaurismäki - qui se dit communiste - garde, de Goadrd, un regard froid sur ses personnages. taisto surmonte ses épreuves sans se laisser aller au désespoir ni au pathos. Les "mystères de son âme" ne constituent pas le sujet du film. Le propos du cinéaste étant d'offrir une vue plongeante et sans concesssion sur la Finlande d'aujourd'hui. Le pays ressemble à un vaste terrain vague, à la fois province et dépoptoir du bloc capitaliste. Encore un mythe qui fout le camp : celui du paradis nordique (...)
Aki kaurismäki réussit là un superbe film sur ceux qui n'ont généralement pas droit de cité sur les écrans : les pauvres. Superbe, car pas misérabiliste pour deux sous."
Raphaël Bassan, La Revue du cinéma .
Aki Kaurismäki ne se gêne pas plus ici que dans ses précédents films pour égratigner la société capitaliste et égratigner de manière corrosive la misère sociale où vivent certains de ses compatriotes. Et c'est d'autant plus convaincant qu'il le fait avec une bonne dose d'humour. Le ton du film est souvent drôle, et c'est fréquemment au moyen de clins d'oeil qu'il affirme ses convictions. Comme dans cette scène où le héros mis à la porte, sans un rond, d'un foyer pour travailleurs, va dormir dans sa voiture et fait jouer un petit cylindre musical d'où sortent les premières notes de « L'Internationale ».
Mais ce qui est remarquable dans Ariel , c'est que tout en servant au réalisateur à défendre un thème aussi grave que le droit au travail, les personnages animent en premier lieu une histoire dense et dynamique. On sent que Kaurismäki aime ses personnages, et qu'il veut nous les faire aimer."
Thierry Decourcelle, Première .