Un certain sentiment d'absurdité nous étreint lorsqu'on apprend que le Gouverneur républicain est favorable à la condamnation à mort d'Earl Williams et non à son internement car le policier qu'il a tué était noir (Williams est blanc) et que les voix noires sont à ménager dans une perspective électorale. Vu la réalité de ( l'in) justice américaine, toujours hélas d'actualité, profondément inégalitaire et s'exerçant au détriment de la population noire, ces réflexions apparaissent plutôt ironiques, voire sarcastiques.
Mais Hawks en profite aussi pour glisser l'air de rien une remarque politique :Williams est une victime de la dépression:comptable à 20 $ par semaine pendant 14 ans, il est passé à 14 $ avant de se retrouver chômeur et de traîner dans les parcs publics,écoutant et proférant des discours démagogiques sur le thème du"produire utile".
Les politiciens républicains, déjà obsédés par la « peur du rouge » qui annonce le futur Maccarthysme et sa chasse aux sorcières, tentent de faire passer Williams pour un communiste. Walter et son journal soutiennent les Démocrates et n'ont de cesse de dénoncer le complot. Nul doute ici sur le positionnement personnel d'Howard Hawks.
Mais le talent, pour ne pas dire le génie du cinéaste, est de faire passer ces idées dans le mouvement même de la comédie La presse à scandale, qui court après le scoop, se retrouve plus qu'égratignée par le film et les différents journalistes qui nous semblent d'abord sympathiques et amusants s'avèrent ignobles dans l'exercice de leur métier. Du reste, même le personnage joué par Cary Grant, aussi drôle soit-il, est un pur cynique, menteur sur toute la ligne pour arriver à ses fins. Hildy résume le tout lorsqu'en réponse à la remarque désespérée de Molly : (« Ce ne sont pas des hommes ! »), elle réplique : « Non, ce sont des journalistes ».
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Mais La Dame du vendredi reste avant tout, une comédie hilarante où tout s'enchaîne sans temps mort, où les dialogues farcis de bons mots fusent de tous côtés, lâchés comme des rafales de mitraillettes et où les corps s'agitent en tous sens dans des décors confinés, renforçant un peu plus l'impression d'assister à un ballet d'agités enfermés dans un bocal.
Pour empêcher qu'une telle débauche d'énergie ne sombre dans la simple agitation, voire dans le n'importe quoi, il fallait des acteurs comiques exceptionnels. Que dire si ce n'est que Cary Grant et Rosalind Russell se montrent absolument parfaits de bout en bout et affichent une complicité dans le jeu dont seuls, avant et après eux, Katharine Hepburn et… Cary Grant sauront également faire preuve.
Ralph Bellamy dans le rôle du brave type, monument de naïveté, est aussi très bon et Howard Hawks adresse un clin d'œil au public lorsqu'une jeune femme, engagée par Walter pour séduire Bruce lui demande « À quoi ressemble-t-il ? » et que Cary Grant rétorque « À l'acteur Ralph Bellamy » !
Autres
-Le film fait partie des sept comédies repérées par le philosophe Stanley Cavell pour établir le «genre du remariage ».
-La pièce a été adaptée à trois autres reprises au cinéma : en 1931 par Lewis Milestone sous le titre The Front Page, en 1974 par Billy Wilder, sous le titre Spéciale Première (The Front Page) et en 1988 par Ted Kotcheff sous le titre Scoop.